N° 222 -Journal d'Irak Special dossier - 28/10/06
Sommaire :
1 Les Brèves.
1-1 Point de vue de Michel Collon : C'est logique.
1-2 Thomas Friedman : Quitter l’Irak..
2 Dossier & Point de vue.
2-1 Lettre ouverte de Saddam Hussein Président de l’Irak et Commandant-en-chef de l’Armée Irakienne.au peuple irakien
2-2 Point de vue de Xavière JardezIrak : Désastre de la main de l’homme (US)
2-3 Barthélémy Courmont : Bush ou la vérité ne paye pas toujours…
2-4 Point de vue de Ian Buruma : Intox et mises en scène de George W. Bush (Où comment les journalistes ont donné naissance à une vérité falsifiée...)
2-5 Point de vue de Philippe Quillerier : Une fissure dans les certitudes de Bush.
2-6 Point de vue de Talal Selmane : Un avenir iraquien pour les « Arabes » sous la protection du criminel usaméricain ?
3 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net.
3-1 Merry Fitzgerald : Video: GuardianFilms and BBC Newsnight
3-2 Merry Fitzgerald : Watch « This World »
3-3 Lorenzo Jacobo : Juba, le tireur embusqué (ou le groupe de tireurs) qui sème la panique parmi les troupes d'occupation étatsuniennes,
1 Les brèves
Ndlr : PS : la publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage les analyses ou point de vue des auteurs, mais doit être vu comme information
Marc
2-1 Point de vue de Michel Collon : C'est logique. Résumons. L'Irak fut bombardé parce qu'il n'avait PAS d'armes de destruction massive qui auraient pu faire hésiter son envahisseur. Pareil pour la Yougoslavie, l'Afghanistan, le Liban et quelques autres (Washington a bombardé 20 pays depuis 1945).A présent, ceux qui ONT des armes de destruction massive prétendent INTERDIRE à leurs prochaines victimes d'en posséder.
Israël a droit au nucléaire.
Par contre, Iran et Corée du Nord n'ont pas ce droit. Les Etats-Unis non seulement s'arrogent le droit de voler les matières premières, renverser des Etats et contrôler des régions stratégiques, mais en plus ils exigent de pouvoir le faire SANS RISQUES.
C'est logique.
2-2 Thomas Friedman : Quitter l’Irak.
« Mais le gouvernement doit maintenant admettre ce que quiconque, moi-même compris, qui a cru en l’importance de réussir en Irak doit admettre : qu’il s’agisse de raisons liées à Bush ou aux Arabes, ce succès n’a pas eu lieu et nous ne pouvons plus continuer à sacrifier de nouvelles vies...
Mais l’autre meilleure option est de quitter l’Irak. Parce que la pire option, celle que chérit l’Iran, c’est que nous restions en Irak, en continuant à saigner et à nous exposer au risque d’une attaque de l’Iran au cas où nous frapperions ses installations nucléaires... Il nous faut traiter avec l’Iran et la Syrie à partir d’une position de force et pour cela nous avons besoin de constituer une coalition large. Plus longtemps nous maintiendrons une stratégie unilatérale qui ne fonctionne pas en Irak, plus difficile sera la construction d’une telle coalition, et plus forts deviendront les ennemis de la liberté. » Thomas Friedman, New York Times, 4 août 2006
2 Dossier & Point de vue
Ndlr : PS : la publication des articles ou analyse ne signifie nullement que la rédaction partage toutes les analyses des auteurs
mais doit être vu comme information
Marc
2-1 Lettre ouverte de Saddam Hussein Président de l’Irak et Commandant-en-chef de l’Armée Irakienne.au peuple irakien
15 octobre 2006
« L’heure de la libération est proche, s’il plaît à Dieu,
mais n’oubliez pas que votre but est de libérer votre pays des envahisseurs
et de ses collaborateurs…
Je vous demande de garder ouverte la porte du pardon
plutôt que celle de la tolérance pour celui qui s’est égaré
s’il manifeste le désir d’être bien guidé… »
Le 10 octobre 2006, le Président Saddam Hussein a été expulsé une nouvelle fois du tribunal par le « juge » Mohammed al-Oreibi al-Khalifa sous prétexte de « propagande politique ». Son micro étant régulièrement coupé pour qu’on n’entende pas ses déclarations, il a dicté à son avocat Khalil Douleimi une « lettre ouverte au peuple irakien ». Il y déclare notamment:
Extraits :
(…) « A l’occasion du mois de Ramadan qui, cette année, nous arrive alors que nos vies font face à une situation difficile, exposées à l’injustice, à l’agression et à l’embargo, de 1991 à aujourd’hui , que notre peuple vit des moments difficiles sous l’occupation, les tueries, les destructions et les pillages de tout ce qui vit, sauf sa foi et sa fierté, qui lui fait rejeter l’humiliation, les complots et l’agression de ses voisins proches et lointains, dont les envahisseurs par-delà l’Atlantique inspirés par les ambitions sionistes malsaines, des intérêts illégitimes et l’agressivité.
Certains d’entre eux viennent de l’est de notre terre. Ils sont mauvais comme d’habitude. Tu sais, mon frère, que mes opinions et mes pensées sont libres. Mais, comme je suis détenu par les forces occupantes, je ne peux exprimer mes sentiments à volonté, tout particulièrement si je m’adresse à vous, Irakiens, à travers les médias ou au cours de cette farce qu’est ce procès où ils coupent mon micro pour me priver de la chance de vous parler tandis que leur média vous dévore vivant….
Résister à un envahisseur est un droit et un devoir. Cela vaut aussi pour ceux qui ont collaboré avec l’ennemi de l’est comme de l’ouest. Mais, je vous demande, mes frères et camarades, à des titres divers, de la courageuse résistance irakienne et à vous, fier peuple d’Irak, de considérer la vérité et la justice dans votre Jihad et de ne pas vous laisser entraîner à des réactions exagérées. Je vous demande de garder ouverte la porte du pardon plutôt que celle de la tolérance pour celui qui s’est égaré s’il manifeste le désir d’être bien guidé. Rappelez-vous que vous avez un devoir de le sauver de lui-même et de lui indiquer le bon chemin. Laissez la porte du pardon ouverte pour tout un chacun jusqu’au jour de la libération qui ne saurait tarder si Dieu le veut.
L'heure de la libération est proche, s'il plaît à Dieu, mais n’oubliez pas que votre but est de libérer votre pays des envahisseurs et de ses collaborateurs… Vous savez qu’après la guerre il y a la paix, après chaque dissension, il y a l’unité, après la séparation, la réunion et après la haine, la convivialité que Dieu rendra. L’humanité est la même, et votre peuple est une grande nation, qui a appris dans le berceau de notre terre les plus grands principes de l’être humain, et de la religion pure, la religion monothéiste, qui s’est répandue aux autres civilisations et les a sauvées de l’ignorance et de la sauvagerie. Vous vous êtes sacrifiés alors pour ces valeurs et vous vous sacrifiez aujourd’hui pour ces mêmes valeurs, en tête desquelles se trouve celle d’un Irak grand et uni, nullement fragmenté par la couleur, le groupe ou l’appartenance. C’est là la lumière en notre sein qui chasse l’obscurité.
Mes frères, mon cœur et ma langue ne peuvent s’adresser à vous selon vos titres et votre couleur politique, comme l’ont voulu les étrangers. L’Irak n’a jamais été un symbole de séparatisme. Nous nous le rappelons dans ses belles couleurs qui représentent ce grand Irak des Arabes, Kurdes et des minorités, sectes religieuses ou autres. Nous étions fiers d’être une grande nation.
Chers frères, vous êtes opprimés par les envahisseurs, leurs adeptes et leurs associés. Aussi n’opprimez personne car, alors, vous perdez le droit que Dieu vous a donné et vous ferez le jeu des opportunistes qui veulent déformer votre lutte. Ce serait une grande perte si cela devait survenir. Si vous gagnez, ce sera la victoire de Dieu car vous êtes ses soldats. Vous devez être magnanime et ne pas verser le sang de vos fils et frères, mettez la vengeance de côté y compris pour celui des fils de Saddam Hussein. Souvenez-vous des récits de nos prophètes miséricordieux, Mohammed et Jésus, le fils de Marie, qui ont pardonné à ceux qui les insultaient. N’oubliez pas que Mohammed a pardonné aux païens de La Mecque après sa victoire. (…)
http://www.albasrah.net/pages/mod.php?mod=art&lapage=../en_articles_2006/1006/saddam_191006.htm
2-2 Point de vue de Xavière JardezIrak : Désastre de la main de l’homme .
L’Irak, la Palestine, le Liban, l’Afghanistan disparaissent des écrans de télévisions, à moins d’un attentat plus atroce, d’une agression sanglante, de morts plus nombreux. Même la mort des soldats US, 66 et 776 blessés en septembre, ne fait plus la Une. Même les 655 000 morts irakiens depuis mars 2003, dénombrés par une équipe d’épidémiologistes américains et britanniques, n’ont droit qu’à des entrefilets.
Sur ce total de 655 000 « morts supplémentaires », 601 000 sont morts de la violence, soit 500 morts par jour, - on enregistre 6000 morts entre juillet et août selon l’ONU - et le reste de maladie et autres causes. Ces estimations montrent que, pour l’année se terminant en juin 2006, le taux de mortalité en Irak est quatre fois plus élevé que par rapport à l’année précédant l’agression américaine. Le même groupe avait conduit une enquête en 2004 qui chiffrait le nombre de morts en Irak à plus de 100 000.
Entre 655 000 et 950 000 morts
Les deux chiffres ont tout deux entraîné une levée de boucliers, Bush et Maliki criant à l’exagération. Cependant, dans un entretien donné à radio Democracy Now (13 octobre 2006, 8h49), Les Roberts, l’un des auteurs de l’étude, affirme que la méthodologie employée (cluster survey) est celle utilisée pour mesurer la mortalité dans des pays où le fonctionnement du gouvernement laisse à désirer ou en temps de guerre. Quand l’UNICEF veut connaître l’ampleur de la mortalité dans les pays en voie de développement, elle procède ainsi. C’est aussi de cette manière que le gouvernement américain a mesuré le taux de mortalité au Kosovo et en Afghanistan et, ironie, a dépensé des millions de dollars par an pour former du personnel de l’ONU et des ONG à cette méthode.
Selon Lee Roberts, il y a 2% de chances que le chiffre s’inscrive sous la barre des 400 000. Il se situe plus vraisemblablement entre ce chiffre et celui de 950 000 personnes, si on tient compte des variantes, dans les provinces et régions, des différents quartiers.
Sauvez les enfants
La mort n’est pas la seule à faire de ce pays, où, s’il n’avait rien d’un Eldorado, il faisait bon VIVRE, même au temps de l’embargo, un désastre créé de toute pièce par la main de l’homme. Une récente étude de l’organisation britannique Save the Children, intitulée « Réécrivons le futur : l’éducation des enfants dans les pays en guerre » fait état de 818 000 enfants, soit 22,2% de la population scolaire, qui ne peuvent fréquenter l’école primaire en Irak. La violence a dramatiquement augmenté dans un pays jouissant auparavant d’une relative sécurité. Les attaques contre les écoles par les forces gouvernementales et américaines et les milices, les enlèvements dus au crime organisé, ont augmenté et la peur s’est installée devant la présence toute croissante des voitures piégées, des tireurs isolés et des balles perdues.
Professeurs et élèves enlevés, assassinés
Le ministère de l’Education irakien a rapporté qu’au cours de l’année 2005, 64 enfants avaient été tués et 57 blessés au cours d’attaques contre des écoles (417 au total) , 47, enlevés et ces chiffres n’incluent pas les enfants blessés ou tués sur le chemin de l’école. La non fréquentation des écoles s’explique aussi par le problème des réfugiés à l’intérieur de l’Irak : le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés estime les déplacés à 1,8 million, une augmentation de 800 000 par rapport à 2005 auquel il faut ajouter les 100 000 à 150 000 personnes qui ont fui la région de Ramadi, l’été dernier, à la suite des opérations militaires américaines dans cette zone.
Le corps enseignant a lui aussi été victime d’assassinats, entraînant ainsi une pénurie de professeurs. Au cours des quatre premiers mois de 2005, 311 enseignants et employés du ministère ont été tués et quelque 158 blessés. Entre février et août 2006, 180 professeurs ont été tués, notamment professeurs de science, et 3250 ont fui le pays. S’il n’existe pas de chiffre exact sur le nombre de personnes qui ont quitté l’Irak, l’Union des Professeurs d’Université d’Irak l’évalue à plus de 10 000 professionnels dont des physiciens depuis le début de l’invasion US.
Dans un pays qui fut, auparavant, un modèle d’éducation pour le Moyen-Orient, les niveaux académiques dans les universités ont dû être revus à la baisse, afin de prendre en compte les difficultés quotidiennes (routes bloquées, ponts fermés, longs trajets en car, etc…) rencontrés par les étudiants.
Atteintes aux droits de la femme
Mais, les femmes, comme toujours, sont les victimes cachées de ce conflit brutal. Après un mois d’investigation, le journal britannique The Observer livre ses conclusions : les enlèvements, les viols et les meurtres sont le châtiment infligé à toute femme qui ose persévérer dans sa vie professionnelle. Les femmes irakiennes, choyées sous Saddam Hussein, vivent maintenant dans la peur d’appartenir à la mauvaise « secte », ou de continuer à travailler dans des secteurs que les milices interdisent : hôpitaux, ministères et universités. Les femmes n’osent plus s’exprimer ou défier le strict code de l’habillement prescrit par les milices extrémistes sunnites ou chiites. Elles vivent dans l’appréhension de leurs maris car les droits des femmes ont, dans la constitution élaborée après la guerre, été sévèrement écornés puisque ce sont les clercs qui sont jugent en lieu et place des tribunaux civils et que seuls 25% des sièges du Conseil des Représentants leur sont réservés. Cette représentation présentée comme une garantie n’est pour les militantes féministes qu’une feuille de vigne qui recouvre « une catastrophe des droits humains pour la femme irakienne ».
La situation s’est encore aggravée par les coups portés au Code de la Famille instauré en 1958, largement repris par la législation sous Saddam Hussein, qui offrait à la femme irakienne une certaine égalité avec l’homme en matière de divorce et d’héritage. Les religieux ont permis la résurgence de la polygamie et des « mariages de plaisir ». D’une société où les femme tenaient le haut du pavé, étaient docteurs, professeurs, ingénieurs, économistes, on façonne une société où la femme est cloîtrée et voilée « car porter un foulard n’est plus un choix religieux mais un moyen de survie dans de nombreuses régions d’Irak, ce qui est fâcheusement ressenti par les non-musulmanes » rapporte l’UNAMI (United Nations Assistance Mission to Iraq).
The Observer a ainsi établi que dans presque tous les secteurs, les femmes subissent une discrimination qui, dans certains cas, rappelle celle que subissaient les femmes du Moyen-Age, non seulement dans les quartiers chiites de Sadr City mais aussi à Mossoul, Kirkouk, Kerballa, Hilla, Basra et Nassariyah.
Le viol est de plus une arme dirigée contre les femmes mais aussi contre les communautés rivales. Il sert à humilier les membres d’une communauté, il est l’instrument des règlements de compte. Il est, selon Besmia Khatib, de Iraqi Women’s Network « un viol collatéral » souvent le fait des milices de bords opposés, parfois membres de la police nationale. Et personne ne s’en soucie car viols et meurtres sont liés. Souvent la famille commet, après un viol, un « crime d’honneur » qui n’est pas enregistré, n’est pas décompté ou fait l’objet d’un certificat de décès pour en cacher la véritable cause.
« C’est une violence qui ne serait pas possible si les brutalités à l’égard des femmes n’étaient pas tolérées sur une large échelle. Car ce ne sont pas les milices religieuses seules qui ont fait de la vie des femmes un enfer. C’est dans une certaine mesure le gouvernement lui-même qui a permis à ses ministères, gérés par des partis religieux, de discriminer son personnel selon le sexe. » écrit The Observer.
Des GI’s recrutés parmi les gangsters US
Mais peut-on véritablement espérer des Américains dont la prétendue « mission » se borne, après l’agression, à occuper, torturer, piller et à aggraver le chaos par l’envoi en Irak comme soldats d’anciens repris de justice qu’ils puissent rétablir un semblant de normalité ?
Selon le Washington Post sous la plume de David VonDrehle, « l’essence même des forces armées a subi une mutation sous nos yeux sous la pression de la guerre en Irak ». En février, le Baltimore Sun écrivait que « parmi les nouvelles recrues, un nombre accru de celles-ci possédaient des casiers judiciaires lourds », « attaques aggravées, vols, homicides, recels de biens volés et auteurs de menaces terroristes ». De 2004 à 2005, leur pourcentage a atteint 54% et la conscription des trafiquants d’alcool et de drogues augmentait de 13%, après une diminution au cours de quatre années précédentes. Le cas de Steven Green, ayant servi aux Etats-Unis au moins deux peines d’emprisonnement pour trafic de drogues et délits liés à l’alcool et accusé d’avoir tuée une jeune Irakienne après l’avoir violée, est là pour concrétiser la nature de l’armée US en Irak. Devant le peu d’enthousiasme des Américains pour la guerre et les désertions, les militaires US recrutent, selon le Chicago Sun-Times, des candidats appartenant au crime organisé dont les tatouages et graffitis se retrouvent sur les murs en Irak où, ayant accès aux armes et à la formation, ils renvoient à leurs gangs aux Etats-Unis l’équipement militaire utile.
Le chaos irakien, alors, est-il le fait seul des Sunnites, des Chiites, d’Al-Qaïda, des « terroristes » ? La véritable question est : qui l’alimente ?
Xavière Jardez
Sources :
§ Iraq Campaigners Warn of Catastrophe, par Jennifer Sym
www.uruknet.info?p=2688
§ Hidden victims of a brutal conflict: Iraq's women, par Peter Beaumont - Guardian, 5 octobre 2006
http://observer.guardian.co.uk/world/story/0,,1890260,00.html
§ U.S. is recruiting misfits for army Felons, racists, gang members fill in the ranks
http://www.sfgate.com/cgi-bin/article.cgi?file=/chronicle/archive/2006/10/01/ING42LCIGK1.DTL
2-3 Point de vue de Barthélémy Courmont : Bush ou la vérité ne paye pas toujours…
En admettant pour la première fois, en réponse à une analyse de l’éditorialiste Thomas Friedman (qui est passé, en l’espace de trois ans, d’un soutien quasi aveugle à son président et sa politique étrangère, au camp de ceux qui attaquent sur tous les fronts l’administration), des comparaisons entre l’Irak et le Vietnam, George W. Bush a donné l’une de ses interviews les plus sincères en matière de politique étrangère depuis la campagne électorale 2000, à l’occasion de laquelle il confessait ne pas connaître grand chose à l’extérieur des Etats-Unis. Ses propos contrastent avec le cri de « victoire » en Irak le 1er mai 2003, les mensonges sur les armes de destruction massive en Irak, le silence embarrassant à la suite des raids militaires israéliens au Liban, ou les diverses déclarations sur la fin proche de la violence en Irak et la démocratisation en marche du « Grand » Moyen-Orient. Le président américain, qui ne brigue plus aucun mandat, a cette fois laissé de côté ses slogans percutants préparés à l’avance par son entourage, pour répondre avec spontanéité aux questions qui lui étaient posées. Le problème est que cette stratégie, si louable fut-elle, ne semble pas être payante, là où des mensonges grossiers assurèrent à Bush une popularité sans précédent. Le président américain a certainement sous-estimé la portée de ses propos. En comparant l’aggravation de la situation en Irak avec l’offensive du Têt en 1968, il pensait simplement à la façon dont les adversaires de Washington cherchent à déstabiliser la coalition par un regain de violence, et on ne peut que lui donner raison et saluer sa lucidité retrouvée. Mais il n’avait certainement pas en tête le tournant dans la guerre du Vietnam que cette offensive provoqua. C’est en effet à partir de 1968 que l’opinion publique américaine se mobilisa massivement contre la présence américaine au Vietnam, avec pour effet la perte de crédit de la Maison-Blanche, et un enlisement inexorable qui conduisit, quelques années plus tard, aux accords de Paris et au retrait américain. Et c’est justement sur cet aspect que le public américain évalue les confessions de son président. S’agit-il d’une erreur de stratégie de communication ou d’un excès de sincérité auquel les observateurs et l’opinion publique ne sont pas habitués venant de Bush ? Sans doute les deux à la fois. Mais il faut reconnaître que, à trois semaines des élections mi-mandat, la Maison-Blanche a décidé de changer sa stratégie en Irak, à la fois sur le terrain (sous la houlette de l’ancien secrétaire d’Etat de Bush père, James Baker) et dans les propos, qui se veulent plus nuancés sur le succès d’une guerre qui a, au sein des forces de la coalition, déjà fait autant de victimes que les attentats du 11 septembre. Le bourbier irakien et les volte-faces successives des membres de l’administration – aux propos de Bush vient ainsi notamment s’ajouter une interview de Dick Cheney pour Time dans laquelle le vice-président américain reconnaît avoir prédit de façon prématurée la fin de la violence en Irak – se traduisent par une chute de la popularité du chef de l’Exécutif, et de l’ensemble de son parti. Les intentions de vote en faveur des Démocrates dépassent désormais de très loin celles des Républicains, qui devraient logiquement perdre leur majorité dans les deux chambres du Congrès lors des élections dans trois semaines. Mais c’est toutefois oublier que de tels sondages perdent tout leur sens quand il s’agit d’élections locales, ce qui signifie que rien n’est joué, et que le résultat sera de toute façon serré. Dès lors, inutile d’augurer le succès de tel ou tel camp. Une chose est certaine en tout cas, la stratégie du parti républicain, conseillé par un certain Karl Rove, ancien conseiller spécial de Bush, qui consistait à se démarquer de l’action présidentielle (notamment sur la stratégie suivie en Irak) pour assurer la victoire le 7 novembre, est un fiasco. La tempête électorale annoncée par les politologues américains aura bien lieu. Emportera-t-elle tout sur son passage ? Peut-être pas, mais il faudra, au sein du parti républicain, repenser la stratégie en vue de la prochaine échéance électorale, ô combien plus importante : l’élection présidentielle de 2008. Car dès le 8 novembre, on s’activera dans les deux camps pour préparer une campagne que d’aucuns annoncent déjà comme l’une des plus longues et des plus animées de l’histoire américaine.
Chercheur à l’IRIS, responsable du Bureau IRIS à Taiwan, co-auteur de L’Année stratégique 2007 (sous la direction de Pascal Boniface), aux éditions Dalloz.
Sources : IRIS
Posté par Adriana Evangelizt
2-4 Point de vue de Ian Buruma : Intox et mises en scène de George W. Bush
(Où comment les journalistes ont donné naissance à une vérité falsifiée...)
Le plus grand bobard de l’Histoire
Comment la Maison-Blanche a-t-elle pu falsifier à ce point les faits sur la guerre d’Irak ? Pourquoi la presse de référence a-t-elle relayé la propagande du gouvernement ? Ces questions sont au cœur de The Greatest Story Ever Sold, le livre du journaliste Frank Rich. En tant qu’ancien critique théâtral, Frank Rich est particulièrement bien placé pour parler de l’administration Bush, qui a tant fait pour brouiller la frontière entre politique et spectacle. Certes, on n’a pas affaire à un cas isolé : on pense notamment à Silvio Berlusconi, le magnat des médias passé maître dans l’art de la fiction politique, ou encore à Ronald Reagan, qui avait souvent bien du mal à faire la différence entre la vie réelle et le cinéma. Le sens du spectacle a toujours été une caractéristique essentielle des gouvernants, de même que le recours à la fiction, notamment quand il s’agit d’entrer en guerre. Qu’aurait été Hitler sans les élucubrations barbares dont il abreuvait un public avide par le biais de spectacles grandioses, de la radio et du cinéma ? Plus près de nous, aux Etats-Unis, pour justifier l’intervention au Vietnam, le président Lyndon B. Johnson avait invoqué en 1964 une attaque dans le golfe du Tonkin, qui, en fait, n’avait jamais eu lieu. Mais le plus remarquable, sous la présidence de George W. Bush, c’est que les conseillers en communication, les colporteurs de fausses informations, les organisateurs de mises en scène destinées aux photographes, les experts en désinformation, les manipulateurs du renseignement, les héros de fiction et les chargés de relations publiques jouant aux journalistes opèrent dans un monde où la réalité virtuelle est en passe d’éclipser l’enquête empirique. Souvenez-vous de ce conseiller de la Maison-Blanche, cité par Frank Rich, qui a déclaré qu’une “étude judicieuse de la réalité perceptible” ne correspondait plus à “la manière dont le monde fonctionne aujourd’hui”. Le milieu des “professionnels de la réalité”, à savoir la presse écrite et télévisée, disait-il, est hors du coup et n’a plus sa place dans “un empire” où “nous créons notre propre réalité”. Bien sûr, une telle arrogance officielle n’est pas nouvelle, même si elle sans doute plus le propre des dictatures que des démocraties. Ce qui est inquiétant, c’est qu’elle va dans le même sens que tant d’autres phénomènes actuels : le déboulonnage postmoderne de la vérité objective, les blogueurs et les grandes gueules des talk radios [radios d’opinion] qui montrent la voie aux médias, les entreprises de presse rachetées par des groupes de divertissement, les moyens toujours plus nombreux et perfectionnés de la manipulation de la réalité. Le sujet de Rich est la création d’une réalité falsifiée. Son livre, The Greatest Story Ever Sold* [Le plus gros bobard qu’on nous ait jamais vendu] n’est pas un ouvrage d’analyse politique ou géopolitique. Il ne s’attarde guère sur les arguments pour ou contre l’éviction de Saddam Hussein, sur les conséquences de l’intervention militaire américaine au Moyen-Orient ou sur la menace de l’extrémisme islamiste. L’auteur, éditorialiste au New York Times, a sur ces questions un point de vue de gauche qui n’a rien de très original. Il se trouve que je suis d’accord avec lui sur le fait que George Bush et [son conseiller politique] Karl Rove ont joué sur les peurs et le patriotisme pour gagner les élections. Et je suis également convaincu que [le vice-président] Dick Cheney et ses supporters néoconservateurs étaient partisans d’une guerre en Irak longtemps avant les attentats du 11 septembre 2001. Rich a-t-il raison d’affirmer que le “terrorisme apatride d’Al-Qaida” n’avait pas grand-chose à voir là-dedans ? C’est discutable. Les “néocons” ont très bien pu croire qu’une redistribution des cartes au Moyen-Orient était le meilleur moyen de lutter contre le terrorisme. Un nouveau type d’information : l’infopropagande Ils se sont trompés, cela ne fait guère de doute. Mais la thèse de Rich, c’est que l’administration Bush a menti d’un bout à l’autre : sur les causes de la guerre, sur la façon dont elle a été conduite et sur ses terribles conséquences. Il peut être légitime de renverser un dictateur, mais faire la guerre sous de faux prétextes ne peut que nuire à la démocratie, a fortiori quand l’un des buts affichés est de démocratiser d’autres pays. Si Rich a raison, ce que je crois, le gouvernement Bush a atteint des sommets rarement égalés dans le domaine de l’hypocrisie. Voici comment on nous a vendu la guerre. Fin 2001, Dick Cheney nous a dit que le lien entre l’Irak et Mohamed Atta, l’un des terroristes du 11 septembre, était “tout à fait avéré”. A l’été 2002, il a déclaré que Saddam Hussein persistait à “vouloir se doter de l’arme nucléaire” et qu’il ne faisait “aucun doute” qu’il possédait des “armes de destruction massive” (ADM). Le vice-président a fait allusion à des tubes d’aluminium (Michael R. Gordon et Judith Miller en avaient parlé dans le New York Times), que Saddam Hussein comptait utiliser “pour enrichir de l’uranium afin de fabriquer une arme nucléaire”. Cet uranium, nous a-t-on dit, les Irakiens se l’étaient procuré au Niger. Le président Bush a déclaré en octobre 2002 : “Devant la montée des périls, nous ne pouvons nous permettre d’attendre la preuve définitive qui pourrait se présenter sous la forme d’un champignon atomique.” Nous savons aujourd’hui qu’il n’y avait pas une once de vérité dans ces affirmations. Elles n’en ont pas moins justifié l’entrée en guerre. Les excuses ultérieures - le gouvernement aurait été trompé par des informations erronées émanant des services de renseignements - auraient été plus convaincantes s’il n’y avait pas eu divulgation d’une note du gouvernement Blair. Le chef des services spéciaux britanniques y affirmait que l’administration Bush avait fait en sorte que “le renseignement et les faits” concernant les ADM “cadrent avec la décision” d’entrée en guerre. Ses propos dataient de juillet 2002, soit huit mois avant l’invasion de l’Irak. Pourtant - et c’est là que l’analyse de Rich est particulièrement pertinente -, les journaux les plus sérieux ont publié les affirmations de la Maison-Blanche en une, reléguant les questionnements en dernière page, au milieu des brèves. Des hebdomadaires politiques plutôt progressistes, comme The New Republic, ont abondé dans le sens du très néoconservateur Weekly Standard, assurant que le président se rendrait coupable de “défaitisme dans la guerre contre le terrorisme international” s’il ne s’efforçait pas de renverser Saddam Hussein. Bob Woodward, le pourfendeur de l’admnistration Nixon [c’est lui qui a révélé l’affaire du Watergate en 1972 dans The Washington Post], a écrit Bush at War, un ouvrage dans lequel il semblait prendre pour argent comptant tout ce que lui avaient dit ses sources de la Maison-Blanche. [Le même Woodward publie ces jours-ci chez Simon & Schuster State of Denial : Bush at War III (L’état de déni : Bush en guerre), où il critique sévèrement le président.] Dès que les combats ont commencé, le spectacle s’en est mêlé. Déjà, en Afghanistan, le producteur hollywoodien Jerry Bruckheimer avait été autorisé à accompagner les troupes afin de réaliser une série télévisée sur la vaillance américaine, alors que les journalistes, notamment ceux du Washington Post, étaient maintenus à l’écart. En Irak, des histoires édifiantes, comme l’héroïque bataille de la soldate de première classe Jessica Lynch, ont été inventées de toutes pièces et formatées pour la presse, et ceux qui ont dénoncé la supercherie ont été traités de mauvais coucheurs et de “gauchistes”. Le président Bush s’est habillé comme Tom Cruise dans Top Gun et a atterri sur un porte-avions, le temps de déclarer la victoire devant les caméras. Et la presse, dans son ensemble, a mordu à l’hameçon. Comment a-t-on pu en arriver là ? Comment certains des journaux les plus réputés et les plus sérieux du monde anglophone ont-ils pu se laisser berner à ce point ? Comment expliquer cette paralysie temporaire du sens critique ? Telle est peut-être la question la plus douloureuse que pose le livre de Frank Rich, d’autant que son propre journal fait partie de ceux qui sont tombés dans le panneau. Le climat d’intimidation qui régnait aux Etats-Unis après les attentats du 11 septembre 2001 y est sans doute pour beaucoup. Susan Sontag était devenue un objet de haine nationale, juste pour avoir dit que la politique étrangère des Etats-Unis avait peut-être favorisé la flambée d’antiaméricanisme. Quand [le ministre de la Justice] John Ashcroft a déclaré devant le Sénat que ceux qui remettaient en question sa politique, pourtant très critiquable, “[donnaient] des munitions aux ennemis des Etats-Unis”, il ne faisait que relayer les discours des vociférateurs des talk radios. Mais eux ne sont que des bouffons malveillants, alors qu’Ashcroft était ministre de la Justice. Pas étonnant, dès lors, que les grands journaux, après avoir été constamment accusés de parti pris de gauche, aient préféré se faire discrets. Les journalistes ne devraient pas avoir à donner des gages de leur patriotisme ou de leur absence de parti pris. Leur travail consiste à rendre compte de ce qu’ils croient être la vérité, preuves à l’appui, en conscience. Comme le souligne Rich, des revues comme The Nation et The New York Review of Books ont plus rapidement vu clair dans le jeu du gouvernement que la presse grand public. Et les journalistes du groupe [de journaux régionaux] Knight Ridder ont compris la manipulation du renseignement avant le New York Times. L’intimidation n’explique pas tout. L’évolution des méthodes de collecte et de publication de l’information ont mis les journalistes traditionnels sur la défensive. Le fait que les gens ont plus que jamais la possibilité d’exprimer leur point de vue dans des émissions de radio ou sur Internet est peut-être une forme de démocratie, mais cela a aussi pour effet de saper l’autorité de journalistes dont l’expertise est censée faire office de filtre contre les absurdités et les préjugés. Et la confusion délibérée à la télévision entre information et divertissement ne fait qu’aggraver les choses. Les républicains, dans la mesure où ils sont plus populistes que les démocrates, ont su exploiter ce nouveau climat avec beaucoup plus de finesse. Accuser les médias de parti pris est sacrément culotté de la part d’un gouvernement qui promeut ses messages directement auprès des animateurs radio et des agents de relations publiques. Rich en donne de nombreux exemples. L’un des plus frappants est celui de Dick Cheney apparaissant sur un plateau de télévision en compagnie d’Armstrong Williams, un faux journaliste rémunéré par la Maison-Blanche, pour se plaindre de la partialité de la presse. Quand l’un des détracteurs les plus crédibles de l’administration Bush n’est autre que John Stewart, animateur d’une excellente émission comique, quelque chose ne tourne pas rond. C’est dans son Daily Show que Rob Corddry, un acteur jouant le rôle d’un journaliste, déplorait de ne pas arriver à suivre le gouvernement, car il avait créé “une catégorie entièrement nouvelle de fausses informations - l’infopropagande”. Rich a raison : “Plus le vrai journalisme faisait mal son travail, plus il était facile à cette infopropagande gouvernementale de combler le vide.” Il y a peut-être une autre raison à cette dérive : les méthodes de travail classiques de la presse américaine, avec son obsession des citations et de l’accès aux sources. Aux Etats-Unis, un bon journaliste doit avoir des sources dignes de foi et des citations qui donnent les différents points de vue sur le sujet traité. Son expertise est négligeable. Si les opinions des éditorialistes comptent trop dans la presse américaine, les connaissances des journalistes sont notoirement sous-exploitées. Le problème, c’est qu’il n’y a pas toujours deux ou plusieurs points de vue sur un même sujet. Quelqu’un qui aurait rendu compte de la persécution des Juifs en Allemagne en 1938 n’aurait pas cherché à donner un “autre éclairage” en citant Goebbels. Par ailleurs, comme Judith Miller l’a appris à ses dépens, à quoi bon des citations si, à la base, les informations sont fausses ? [Cette journaliste vedette du New York Times a relayé à plusieurs reprises les fausses informations de la Maison-Blanche sur les armes de destruction massive irakiennes. Elle a démissionné en novembre 2005.] Bob Woodward, l’une des principales bêtes noires de Rich, a beau avoir plus qu’aucun autre journaliste ses entrées à Washington, la faiblesse de son travail tient au fait qu’il n’a jamais l’air meilleur que ses sources. Comme le souligne Rich à juste titre, “des journalistes qui n’avaient pas les contacts d’un Woodward ou d’une Miller au sein de l’administration non seulement ont obtenu les bonnes informations sur l’Irak mais ils les ont publiées rapidement, en faisant appel à ce que John Walcott, le chef du bureau de Washington du groupe Knight Ridder, appelle les ‘sources prolo’, situées à des échelons inférieurs de la hiérarchie.” Il fut un temps où Woodward travaillait lui aussi de cette façon. Crainte de perdre ses sources haut placées, surestimation de l’importance des déclarations des puissants, terreur injustifiée d’être accusé de parti pris de gauche : tout cela paralyse la presse à un moment où elle est plus indispensable que jamais. Frank Rich est un excellent produit de cette presse et, si jamais elle restaure sa réputation, ce sera en partie grâce à cet homme qui en avait plus qu’assez. Ian Buruma : * The Greatest Story Ever Sold. The Decline and Fall of Truth From 9/11 to Katrina (The Penguin Press, New York, 2006). Ian Buruma The New York Times Book Review
Ian Buruma : : Ce journaliste de 57 ans a longtemps été le principal critique de théâtre du New York Times. Depuis le printemps dernier, il publie chaque dimanche une longue chronique, souvent percutante, où il analyse l’actualité sous l’angle des rapports entre politique et culture populaire. Ian Buruma Né en 1951 à La Haye d’un père néerlandais et d’une mère britannique, ce spécialiste reconnu de l’Asie a vécu de longues années au Japon puis à Hong Kong. Il est aujourd’hui professeur de démocratie, droits de l’homme et journalisme au Bard College, dans l’Etat de New York.
L’Occidentalisme, une brève histoire de la guerre contre l’Occident, écrit en collaboration avec Avishai Margalit, vient de paraître aux éditions Climats (voir CI n° 723 du 9 septembre 2004). Son dernier livre est traduit en français,
Sources : Courrier International
2-5 Point de vue de Philippe Quillerier : Une fissure dans les certitudes de Bush.
A l’approche des élections pour le renouvellement du Congrès, le 7 novembre prochain, et alors que les républicains sont au plus bas dans les sondages, le président américain a concédé pour la première fois, au cours d’un entretien télévisé, la possibilité d’un parallèle entre la tournure que prend le conflit irakien et celle que prit, en son temps, la guerre du Vietnam. La Maison Blanche subit la pression d’un prochain rapport parlementaire qui préconiserait un changement de stratégie en Irak. Officiellement, toutefois, il n’est pas question d’envisager un retrait des troupes américaines. En janvier 1968, lors de la fête du Têt –le Nouvel An vietnamien–, le Vietcong et l’armée nord-vietnamienne lancent une vaste offensive contre les troupes sud-vietnamiennes et américaines. Militairement, elle se soldera par une lourde défaite pour les forces communistes, aucune de la centaine de villes visées n’étant prise en totalité. Mais psychologiquement, cet épisode va toucher une opinion américaine à qui le président Lyndon Johnson ne cessait de promettre «la lumière au bout du tunnel». L’offensive du Têt, renforçant l'opposition à la guerre aux Etats-Unis, alors plongés en plein débat électoral, conduira finalement au retrait américain. Peut-on établir un rapprochement avec l’actuelle situation irakienne? C’est ce qu’à fait, mercredi, l’éditorialiste du New York Times, Thomas L. Friedman: «Ce à quoi nous assistons en Irak apparaît comme l’équivalent jihadiste de l’offensive du Têt». Interrogé par la chaîne ABC, quelques heures plus tard, sur la pertinence d’une comparaison de si mauvais augure, George Bush a répondu: «Il pourrait avoir raison». Et d’ajouter: «Le niveau de violence s'est certainement élevé, et nous allons vers des élections» aux Etats-Unis. Ces propos, largement relayés par les médias américains, apparaissent comme le premier accroc aux convictions irakiennes de l’administration Bush, même si le chef de la Maison Blanche, dans le même entretien, a tenu à assurer qu’il n’était pas question de «changer de cap». Démentant que la recrudescence des violences et les attaques contre les troupes américaines –67 soldats tués depuis le début octobre– éloignent de l’objectif d’un Irak capable de se gouverner et de se défendre lui-même, il a de nouveau refusé un retrait militaire prématuré. «La stratégie, c’est de l’emporter», a confirmé, un peu plus tard, le porte-parole de la Maison Blanche, John Snow. L’Irak, donnée majeure du scrutin Reste que la déclaration de George Bush survient dans un contexte électoral délicat pour sa majorité parlementaire. A moins de trois semaines des élections de mi-mandat au Sénat et à la Chambre des représentants, le 7 novembre, les républicains ne cessent de perdre du terrain dans les sondages. Ils comptent désormais 15 points de retard sur les démocrates. D’après une étude réalisée pour la chaîne NBC News et le Wall Street Journal, 37% des personnes interrogées envisagent de voter républicain contre 52% qui pensent voter démocrate. C’est l’écart le plus important jamais enregistré par ce baromètre et il est en hausse de 6 points en un mois. Quant à l’indice de satisfaction à l’égard de George Bush, il est également en baisse d’un point, à 38%. Or selon NBC News, ces chiffres traduisent, notamment, l’attention portée par l’électorat à la guerre en Irak. Ce conflit, selon les analystes américains, est l’une des données majeures du scrutin. Les responsables républicains en sont particulièrement conscients. L’opposition démocrate aussi, qui en a fait un thème essentiel de sa campagne en réclamant une réduction des effectifs militaires sur place. Du coup, la pression se renforce sur le président Bush afin qu’il change de politique, y compris au sein de son propre camp. Sans évoquer un retrait militaire, la sénatrice républicaine Kay Bailey Hutchison a ainsi estimé que l’Irak était en proie au «chaos» et que le pays devait être divisé en trois régions semi-autonomes. L’hypothèse a été rejetée par la Maison Blanche: «Ce ne serait pas une option sage pour la stabilité de l’Irak ou de la région». Révisions déchirantes Le débat sur l’Irak est d’autant plus vif qu’il est alimenté par la publication récente, aux Etats-Unis, de plusieurs ouvrages dénonçant violemment la politique irakienne de George Bush. Un rapport parlementaire préconisant une modification de la stratégie américaine fait également grand bruit. Le document, rédigé par une commission constituée en mars par le Congrès et avalisée par George Bush, ne sera rendu public qu’en décembre, mais certains éléments essentiels ont déjà filtré. La commission, baptisée Groupe d’études sur l’Irak (GEI) et composée de républicains et de démocrates, est présidée par l’ancien secrétaire d’Etat James Baker, un ami de la famille Bush. Le diplomate ne peut donc être suspecté de malveillance à l’égard du président. Il a d’ailleurs accepté, à la demande de l’administration, de reporter la publication du rapport après le scrutin. Pourtant, le rapport du GEI s’avèrerait, selon le New York Post, très pessimiste sur l’issue d’un statu quo prolongé, et prônerait des objectifs plus «réalistes». Le texte préconiserait deux options. Soit une concentration des forces américaines sur Bagdad qui irait de pair avec l’ouverture de pourparlers sur deux fronts: avec les insurgés d’une part, avec la Syrie et l’Iran d’autre part. Soit un retrait progressif des troupes couplé à une campagne diplomatique visant à convaincre les alliés que la détermination américaine à combattre les terroristes reste entière. Ce qui entraînerait, dans les deux cas, des révisions déchirantes pour l’administration Bush.
Philippe Quillerier
Sources : RFI
Posté par Adriana Evangelizt
2-6 Point de vue de Talal Selmane : Un avenir iraquien pour les « Arabes » sous la protection du criminel usaméricain ?
Note du TraducteurAu mois de Muharrem (Mars) de l’an de grâce 656 de l’Hégire/1258 après J.C, les Tatars occupèrent Bagdad. Ce fut la fin de la dynastie Abbasside. Le chroniqueur Ibn Kathir écrivit dans son livre Al Bidaya Wa Nihaya- Le début et la fin :" Les avis se partagèrent sur le nombre des morts parmi les musulmans durant la prise de Bagdad. Certains disent 800 000 personnes, d’autres disent 1 800 000, d’autres estiment encore que leur nombre avait atteint 2 millions d’âmes. Nous sommes à Dieu et à Lui nous retournons. Les Tatars sont entrés dans la ville à la fin du mois de Muharrem et l’épée a égorgé ses habitants pendant 40 jours. Et, à l’issue de cette période, quand les crieurs annoncèrent l’Aman (la grâce) à la population, les survivants sortirent de sous terre, des caves, des cimetières et des canaux, tels des morts déterrés...Une grande épidémie finit par décimer les survivants et les envoya rejoindre ceux qui les avaient précédés dans la mort."Les nouveaux Tatars ont fait pire et ont envoyé à la mort lente, pendant 12 ans, sûrement deux millions d’Irakiens. Mais Bagdad survivra et la guerre ne fait que commencer.Ahmed Manaï, 11 avril 2003
Le chiffre effroyable des victimes de l’occupation usaméricaine de l’Iraq, ne semble avoir ému personne, ni au Machrek arabe ni au Maghreb : plus de 650.000 morts iraquiens au cours des 40 mois d’occupation, sans compter les destructions hallucinantes, le démantèlement de l’entité politique du pays, l’effondrement de ses frontières, la scission des Kurdes et la guerre civile qui s’installe entre les « Arabes » au pays de la Mésopotamie.Plus de 650.000 morts, victimes des raids aériens, des explosions, des voitures piégées, des massacres interconfessionnels et intercommunautaires, des opérations d’incursion et de poursuite quotidiennes, dont la plupart, des jeunes de 16 à 40 ans, représentant une partie de l’espoir de l’Iraq dans son avenir…tout cela par le fait de l’occupation usaméricaine, avec la bénédiction et le soutien du président usaméricain à l prétendue marche de l’Iraq sur la voie de la stabilité !Malgré tout cela, personne, dans le monde arabe, ne s’est manifesté pour dénoncer, protester ou condamner et aucune manifestation n’a eu lieu pour exprimer la colère et la solidarité avec les victimes ou appeler à réagir contre le responsable de ce massacre permanent qui détruit le présent et l’avenir de l’Iraq et, nécessairement aussi, le présent et l’avenir des pays voisins.Aucun responsable arabe n’a élevé la voix et aucun gouvernement arabe n’a pris la peine d’interpeller l’administration usaméricaine ou de protester auprès d’elle contre ce massacre permanent qui menace leurs pays respectifs, proches ou lointains.L’on comprend bien qu’aucun gouvernement arabe ne puisse bouger, parce qu’ils sont tous privés de leur pouvoir de décision et qu’aucun d’entre eux n’ose exprimer la moindre opposition à la politique usaméricaine vis-à-vis de l’ensemble desArabes et du droit à la vie des Iraquiens tout particulièrement et, par voie de conséquence, à l’alliance inamovible usaméricaine avec Israël, aux dépens du sang palestinien et dans ses tentatives permanentes pour abattre l’expérience démocratique dans les territoires palestiniens.
Reconstruction de l'Iraq, par J.Bosco, Brésil, 6 septembre 2006. Source : irancartoonMais que dire alors de la réaction des masses arabes à l’annonce de ce crime contre l’humanité, commis par les Usaméricains à l’encontre de l’Iraq et des Iraquiens : indifférentes, n’exprimant face à l’événement aucun intérêt, ni colère, ni tristesse, toujours soumises à la propagande de leurs régimes qui les bercent de l’illusion que les Usaméricains sont occupés à assurer aux Palestiniens un État sur une partie de leurs terres, qu’ils agissent pour garantir aux Libanais leur paix civile et aux Égyptiens leur prospérité et, qu’ils sont préoccupés de garantir la sécurité aux pays du Golfe et une position de leadership à l’Arabie Saoudite.Que, partout où ils se trouvent, les Arabes continuent à mener leur petit train de vie comme si l’Iraq, l’État et son unité territoriale, ne les intéresse pas, que les incitations à la violence des uns contre les autres et le bain de sang qui s’en suit, ne peuvent avoir d’effet sur leur propre vie, dans leurs pays respectifs, proches et lointains, a de quoi inquiéter sur leurs chances d’avoir un avenir plus stable et plus prospère que leur présent. Un présent habité par une multitude de peurs : la peur de leurs dirigeants, la peur des uns des autres après avoir sacrifié leur destin commun et s’être retranchés derrière leurs intérêts nationaux, la peur d’Israël, la peur des Usaméricains et, pour céder à un effet de mode, la peur de l’Iran.L’étude de terrain effectuée par deux universités de médecine respectables, l’Université Johns Hopkins, en premier, puis par l’Université iraqienne Al Moustansiria, et qui a concerné 1849 familles, réparties dans 16 gouvernorats du pays et comprenant 12 801 personnes, constituant 47 échantillons, révèle l’étendue du scandale arabe autant que l’horreur du crime usaméricain.Les Arabes sont encore assommés par le terrorisme, à cause de l’opération impardonnable, exécutée à New York, par des jeunes extrémistes aveuglés par la haine, sous la conduite de Oussama Ben Laden.Mais quel rapport donc, entre un crime, dont la responsabilité incombe au seul groupe extrémiste qui l’a exécuté et le massacre usaméricain permanent en Iraq (ainsi que celui d’Israël en Palestine) perpétré sous la protection et avec la participation directe des troupes d’occupation usaméricaines ?Il s’agit d’un massacre au quotidien, contre un grand et valeureux peuple, l’un des premiers bâtisseurs de la civilisation humaine et celui qui l’exécute est un criminel contre l’humanité…Il ne sert à rien que le président usaméricain, Georges Bush, baisse le nombre des victimes et le réduise à 30.000 seulement !Malgré tout, les Arabes tournent le dos à leur présent pour se préoccuper de la discorde entre les éléments constitutifs de leur identité et de leur histoire, et se désintéressent de leur avenir par peur de leurs tortionnaires.Les tensions d’ordre confessionnel et communautaire que nous observons à Beyrouth, ne sont-elles pas en fait, une fuite du terrain de la véritable confrontation contre l’ennemi réel et une entreprise d’usure dans une lutte avec soi-même, qui ne peut profiter qu’à ceux qui font couler le sang de la Oumma toute entière, qu’ils soient un tyran au pouvoir ou un occupant étranger, l’un et l’autre bafouant la volonté et confisquant le présent et l’avenir.Il est clair que l’avenir des Arabes se situe dans les modèles libanais, palestinien et iraquien ou dans un mélange des trois, tant qu’ils ne défendront pas leur terre par leur sang et défendront leur sang en s’attaquant à ceux qui le font couler et non pas en fuyant la confrontation avec eux.
Assafir
TLAXCALA
13 octobre 2006
Traduit de l’arabe par Ahmed Manaï et révisé par Fausto Giudice, membres de Tlaxcala, le réseau de traducteurs pour la diversité linguistique. Cette traductione st en Copyleft : elle est libre de reproduction à condition d'en respecter l’intégrité et d’en mentionner sources et auteurs. URL de cet article :http://www.tlaxcala.es/pp.asp?reference=1351&lg=fr
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.Talal_Selmane.131006.htm
3 Courrier des lecteurs & trouvé sur le net
3-1 Merry Fitzgerald : Video: GuardianFilms and BBC Newsnight
http://www.guardian.co.uk/video/page/0,,1927660,00.html
3-2 Merry Fitzgerald : Watch « This World »
Cliquer sur : “This World – Latest programme”
LIEN :http://news.bbc.co.uk/2/hi/programmes/this_world/6070286.stm
Baghdad: A doctor's story
Filmed exclusively by an Iraqi doctor, This World reveals the terrible conditions of a civilian emergency room in Baghdad.
Tuesday, 24 October, 2006
2150 BST on BBC Two
Al Yarmouk Hospital is in the most dangerous area of Baghdad.
Sectarian violence is tearing the city apart and ambulance crews go from one dangerous mission to another.
Talking on camera is dangerous, but here patients and doctors speak out.
Wherever they go, the doctor is there with his camera.
"People don't know what is going on in Iraq," he says, "they can't hear the Iraqi people screaming."
In the constant stream of news reports from Iraq, the voice of ordinary people seems to have been lost.
In this film, we hear from them directly... and get a harrowing insight into everyday life in Baghdad.
Producer: Ben SummersSeries producer: Louise NormanEditor for This World: Karen O'Connor
3-3 Lorenzo Jacobo : Juba, le tireur embusqué (ou le groupe de tireurs) qui sème la panique parmi les troupes d'occupation étatsuniennes,
Bonjour Marc, Michel, Thierry et Nordine !Ce petit message pour vous avertir que Juba, le tireur embusqué (ou le groupe de tireurs) qui sème la panique parmi les troupes d'occupation étatsuniennes, a rendu publique il y a peu la deuxième vidéo de ses actions... et cette fois-ci elle risque de connaître un plus grand impact que la première, vu qu'une version assez complète du document est disponible en ligne sur le site YouTube:http://www.youtube.com/watch?v=vlS9RjEkzwkBien utilisé, ce matériel me semble constituer un instrument qui pourrait permettre de hâter la fin de la boucherie iraquienne.Je vous fais confiance quant à la diffusion de l'information :-)¡Abrazos desde Guatemala!Laurent / Lorenzo
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